Cette année marque le 35e anniversaire du cidre de glace! Saviez-vous que ce produit emblématique est québécois et que son créateur est tout près de nous?
C'est à Frelighsburg que Christian Barthomeuf a eu l'audace de choisir la pomme plutôt que le raisin, une idée qui n'a pas fait l'unanimité à l'époque, mais qui l'a passionnée. C'est cette conviction qui l'a inspiré à créer un produit au goût unique, inimitable.
Pour célébrer cet événement majeur, nous avons eu le privilège de le rencontrer sur ses terres, parmi une végétation spectaculaire!
Christian, raconte-nous un peu comment s’est déroulée ton arrivée ici, au Québec?
Lorsque je suis arrivée ici, à Frelighsburg, j’étais le fou du village! Les gens ne voulaient rien savoir de tout ce que je faisais, ils ne croyaient même pas au cidre de glace au début. Un vigneron français qui débarque dans un milieu assez fortuné, un vrai scandale! Moi j’avais l'idée de prendre une année sabbatique avec Louise (sa conjointe) et bien finalement, je ne suis jamais repartie. C’est là que tout a commencé.
Comment as-tu commencé dans l'industrie viticole?
Je suis autodidacte! Je n’ai jamais étudié rien. Un jour, j'ai rencontré un agronome et je lui ai posé la question : que pourrais-je faire avec une vigne? J'avais toujours vu du sirop d’érable partout, alors je me suis demandé si je pouvais faire quelque chose, mais avec une vigne. C'est alors qu'il a commencé à me parler d'unités thermiques... J'étais un peu confus au début, mais j'ai acheté des thermomètres et je me suis lancé dans l'aventure. Entre-temps, je me suis quand même payé un billet d'avion pour Montpellier, en France, et je suis repartie avec des livres sur les plantations des vignes. Je lisais et j’exécutais. J’ai appris par moi-même, je suis un curieux de nature.
Et hop nous voilà 35 ans plus tard!
Peux-tu nous raconter l'histoire de la création du premier cidre de glace? D'où est partie ton idée?
Au tout début, lorsque je travaillais dans un autre vignoble, je ramassais les raisins gelés pour faire du vin de glace. Là je me gelais les doigts et je me suis demandé pourquoi je me fais chier? J’ai regardé le voisin qui avait des pommiers et je me suis dit que je pouvais faire la même chose avec des pommes! À l'époque, il faisait très froid en hiver. Je suis donc allé voir mon voisin et j’ai acheté 4 bennes de pommes gelées (400 livres) et je les ai pressées avec un pressoir à main… j’ai fait seulement 1 gallon! Mais mon Dieu que c’était bon! Ça m'a permis de le faire goûter. J’ai quitté le vignoble où j’étais et j’ai parti ma production à moi. Parce que je croyais à mon produit et je voulais le développer selon mes valeurs.
Quelles sont les particularités de votre méthode de culture chez Clos Saragnat?
C'est la culture fondamentale, tout est à l’état sauvage. Je ne taille pas mes pommiers et je laisse la nature aller. Au lieu d’avoir des pommes après 2 ans, ça peut en prendre 5. La végétation est très importante. Des fois les pommiers se reposent, il n’y a pas de pomme dedans durant 1 an. Nous les laissons faire, ils sont fatigués donc c’est eux qui décident. La nature fait bien les choses, nous plantons des arbres (pommiers, poiriers, pruniers, etc.) au hasard et bien on les laisse se débrouiller! Tu laisses tout aller, tu laisses pousser ce qu’il veut. Notre terre c’est un refuge d’oiseaux et d’insectes et si ce n'était pas là, Clos Saragnat n’existerait pas. Avez-vous vu des insectes dans les vignes? Non! Leurs prédateurs sont dans le fouillis végétal. Tout le monde connaît la culture fondamentale dans le fond: tu regardes la nature et tu la laisses faire!
Le changement climatique joue-t-il un impact sur le processus de production?
Les hivers sont moins froids évidemment, le cidre de glace va probablement durer moins longtemps. Il faut du gel pour le faire. Oui, les gens vont probablement mettre les pommes au congélateur, mais bon ce n’est pas ce qu'on fait nous. Même si les gens partent vers le Nord, comme au Lac-Saint-Jean, le temps va les rattraper! Je suis content d’avoir inventé le cidre de glace il y a déjà 35 ans et non aujourd'hui. Ça parait les changements climatiques, depuis un bon 4-5 ans. Avant on faisait ça n’importe quand l’hiver... Là en décembre, il n'y a même pas de gèle encore. Maintenant on empile nos pommes sous les arbres recouverts d’une toile et on attend que ça gèle. Un bon -10 degrés durant 3-4 jours... C’est l’idéal, mais là c’est un peu plus difficile. Ça ne joue pas sur le goût, car on fait attention, on les laisse geler, mais le processus n’est pas le même qu’avant.
Y a-t-il un cidre de glace dont tu es particulièrement fier?
Pour être honnête, je suis fier de tous mes produits. Chaque cidre de glace que nous produisons est un véritable délice ! Pas de congélateur, pas de produits chimiques, juste des cidres de glace authentiques avec un goût incomparable.
Les touristes vous visitent-ils pour rencontrer le créateur du tout premier cidre de glace?
Je ne suis pas souvent à la boutique, c'est Louise qui s'en charge, mais peu de gens connaissent vraiment notre histoire. Les gens du milieu le savent c’est certain, mais en fait, 98% du grand public l'ignore. Les «amateurs» de vin et de cidre sont souvent surpris de découvrir qu'il y a des pommes dans nos cidres de glace! Étrange, non?
En parlant de pomme dans le cidre, lesquelles sont idéales pour produire du cidre de glace?
Si vous prenez des pommes McIntosh pour faire du cidre de glace, il sera jaune pipi! Les meilleures pommes ne sont pas forcément les plus belles visuellement, mais elles sont incroyablement savoureuses. Ici, quand vous goûtez une pomme, elle est délicieuse, mais si vous la mettez sur une tablette de supermarché, les gens ne la remarqueront même pas. Pour moi, le cidre, c'est juste de la pomme. Si vous y ajoutez autre chose, ce n'est plus vraiment du cidre... Une poire, peut-être, mais pas des fruits exotiques. La différence entre mes cidres de glace et les autres, c'est une différence radicale. Il y a ceux de Christian, les miens, et ceux des autres. C'est là que réside la plus grande différence!
Quels sont les principaux marchés pour le cidre de glace? Est-il principalement consommé localement au Québec ou est-il exporté vers d'autres régions?
Nous n'en parlons pas beaucoup ici, au Québec, notre propre région! Nos produits sont disponibles dans seulement 40 des 400 succursales de la SAQ. C'est mieux d'importer du vin d'Italie, n'est-ce pas? Le cidre de glace n'existe nulle part ailleurs qu'ici; c'est un produit typiquement québécois... Mais on n'en fait pas trop de cas! Je ne pense pas qu'il y en a ailleurs, peut-être en Jamaïque ha ha?
On regarde 35 ans derrière, qu’est-ce qui vous rend le plus fière?
Je suis particulièrement fier d'avoir cru en moi-même et en mon idée, malgré les sceptiques qui ne croyaient pas en moi. Aussi, j'attends avec impatience ma retraite... j'ai beaucoup de sommeil à rattraper! 35 ans, c'est une longue période!
Une retraite méritée! Merci beaucoup, Christian, de nous avoir reçus pour souligner cet événement en grand. Allons goûter au cidre maintenant!
Vous pouvez aller le rencontrer directement chez Clos Saragnat, un véritable sanctuaire naturel. Réservez leur Expérience « Balade au coeur d'un vignoble et cidrerie biologique » ou notre Tour Signature « La Route des Vins de Brome-Missisquoi » pour découvrir leur histoire et goûter aux délicieux produits de Christian et Louise!
Joyeux 35e anniversaire au cidre de glace! Cheers!