Le geek qui veille au grain
Depuis qu’il est tout jeune, Francis Rousseau se triture les méninges pour découvrir ce qui se cache dans le ventre des gadgets technologiques. Il prend un plaisir fou à repousser les limites des frontières de l’informatique et s’applique à harnacher les sciences de l’avenir aux besoins actuels des entreprises. Après avoir rêvé de conquêtes spatiales, le gars originaire de Mont-Laurier a atterri en rase campagne. Il a été recruté par la firme Agrilog qui lui a demandé de développer le Silog, un silo intelligent qui gère de façon optimale et autonome la ventilation des précieux grains.
C’est un orienteur du Cégep du Vieux Montréal qui a permis à Francis de trouver son chemin de Damas : la maintenance industrielle. Mais attention ! Il ne s’agit pas d’un simple job de mécanicien qui répare les systèmes lorsqu’ils plantent. Il faut savoir jongler avec les aspects préventifs, connaître les interactions entre les différents systèmes, l’état de marche des appareils et prévoir quand, dans les heures, semaines ou mois qui viennent, il faudra remplacer telle ou telle pièce en tenant compte des coûts et de la logistique d’arrêt de production pendant la maintenance. Toute une équation à multiples inconnues !
Pour atteindre la quatrième dimension de la révolution industrielle, Francis Rousseau aura d’abord fait le plein d’un bac en génie de la production à l’ÉTS, réalisé plusieurs stages chez Tesla, l’iconique constructeur de voitures électriques de Palo Alto, et complété une maîtrise concentrée sur la technologie de l’Internet des objets et l’industrie 4.0. Fort de tout ce carburant de connaissances, Francis a tous les outils pour orienter une entreprise vers la gestion des données. De façon simpliste, il s’agit de récolter l’ensemble des données, d’étudier toutes leurs interactions pour ensuite prendre des décisions en temps réel par le truchement des systèmes informatiques. Bref, on est loin des cultivateurs qui se mouillaient l’index pour voir la direction du vent.
« On n’évalue pas tous les niveaux de risque que comporte l’agriculture. Pour augmenter ses revenus, le producteur doit s’assurer qu’après tous les efforts de l’ensemencement, de la culture et de la récolte, la qualité de son grain soit maintenue jusqu’à ce qu’il le vende. L’aspect logistique de l’entreposage du grain m’intéresse beaucoup. J’ai compris qu’il y avait un grand potentiel dans l’agriculture pour faire de l’automatisation et de l’optimisation de système. Je souhaitais combiner l’optimisation du système, la connectivité avec les objets connectés, l’Internet des objets et l’industrie 4.0. C’est fait ! »
Beaucoup d’entreprises agricoles ont du retard. Pendant l’entreposage de leur grain, des producteurs se limitent encore à laisser rouler la ventilation pendant un nombre d’heures ou de semaines sans contrôler les aléas de la météo. S’ils ventilent en période de pluie, cela ajoute de l’humidité au grain. S’ils le font alors qu’il fait trop chaud, le grain sèche et perd de sa qualité.
Avec Silog, le système analyse et gère de façon autonome les conditions météorologiques et le prend le contrôle du silo selon les recommandations du producteur. Un producteur qui peut être n’importe où sur la planète pour activer la ventilation s’il le désire avant de se remettre à chanter « Meunier, tu dors », sans craindre que son moulin n’aille trop vite ni trop fort. En plus de déterminer la performance du ventilateur, les capteurs de CO2 à l’intérieur des silos sont même capables de détecter la présence d’insectes qui se paient un snack sur le bras de l’agriculteur.
À 27 ans, Francis trouve encore le temps de s’amuser. À la maison, il continue de manger du 4.0 et il soutient toujours le club étudiant de l’ÉTS en les aidant à développer leurs propres moteurs de… fusée ! On comprend dès lors qu’il ira haut et loin dans la vie.