Des animaux à la planète
Warwick, ça vous dit quelque chose ? Ça sonne sûrement une cloche (de Pavlov !) aux amateurs des fromages fermiers du vieux presbytère de Sainte-Élizabeth-de-Warwick. Mais ce que peu de gens savent encore, c’est que les bonnes vaches de la région des Bois-Francs sont à l’origine d’un autre type de produit de plus en plus convoité : le gaz naturel renouvelable (GNR). Parlez-en à Josée Chicoine.
Josée occupe le poste de co-directrice générale de la Coop Agri-Énergie Warwick, la première coopérative agricole dédiée à la production d’énergie renouvelable au Québec. Elle est également la directrice agroalimentaire de Coop Carbone, une coopérative de solidarité qui a pour mandat de s’attaquer à l’urgence climatique en développant des projets collaboratifs de réduction de gaz à effet de serre.
En 2018, l’entreprise a proposé à une douzaine de producteurs laitiers du Centre-du-Québec de se liguer pour revaloriser le lisier de leurs cheptels en recourant à la biométhanisation. Depuis le printemps 2021, les quelque 25 000 tonnes de déjections animales rejoignent une quantité équivalente de résidus de transformation alimentaire et de boues municipales pour être traitées au nouveau complexe de biométhanisation construit à mi-chemin entre Warwick et Victoriaville. Ce sont tout de même 4200 tonnes de CO2 équivalent, qu’on a empêché de se retrouver dans l’atmosphère.
Dans sa besace, Josée disposait d’un cours d’agronomie en zootechnie et d’une maîtrise sur la nutrition du cerf rouge. Qui aurait dit, il y a 25 ans, que cette Montréalaise qui rêvait d’être vétérinaire se retrouverait non pas à soigner les animaux, mais plutôt la planète en créant des territoires sans carbone ? Après avoir débuté sa carrière en élaborant des plans de fertilisation, la jeune femme a bifurqué du côté du monde coopératif. Elle passera une quinzaine d’années à la Coop fédérée (devenue Sollio Agriculture) à titre de directrice agroenvironnement avant de faire le saut, en 2016, chez Coop Carbone.
Dans un premier temps, l’entreprise qui a son siège social à Québec a initié une démarche, AgroCarbone, qui, dans un premier temps, a permis de réaliser un diagnostic des principales sources d’émissions de GES sur l’ensemble de la filière laitière québécoise. Avec les différents partenaires de la démarche, des pistes d’actions concrètes afin de réduire ces émissions ont été identifiées. Une de ces pistes étaient la biométhanisation. C’est Warwick qui a été choisie pour l’implantation du projet de 13 M$, en raison entre autres de sa concentration de fermes laitières dans les environs et sa proximité avec le réseau gazier.
Josée Chicoine précise que le but à long terme est de répliquer le modèle ailleurs au Québec pour créer des territoires « sans carbone ». Mais avant d’y aller plein gaz, l’entreprise veut s’assurer que tous les rouages soient bien rodés. On s’en approche sûrement puisqu’une deuxième subvention a été accordée pour un autre projet dans la même région.
Pour les producteurs participants, les avantages sont intéressants. La codirectrice générale d’Agri-Énergie Warwick rappelle que la biométhanisation ne fait pas qu’empêcher une pollution très dommageable pour le climat.
« Cela leur permet de diversifier leurs sources de revenus. Énergir les paie pour le GNR produit grâce à leur fumier. Sur un terme de 20 ans, le retour sur investissement est supérieur à ce qu’ils connaissent en agriculture. De plus, une fois le méthane capté, on leur retourne un engrais organique presque sans odeur et plus facilement assimilable par la plante que le fumier, ce qui leur permet de réduire leur facture d’engrais minéral. »
Pour ne rien gâcher, c’est Coop Carbone qui se charge de toutes les opérations au quotidien et de la direction générale. Pendant ce temps-là, les producteurs de lait peuvent se consacrer entièrement à leurs fermes.