Faire plus avec moins, olé!
À quelques encablures de la baie McGillivray sur la rivière Richelieu, de longues parcelles de maïs ceinturent une grande maison à pignons rouges, quatre silos à grain et une série de bâtiments de ferme. Dans la cour, une piscine hors terre et plus loin, une fosse à purin pour les vaches laitières. C’est le royaume d’Ana-Maria Martin, de son conjoint Michel Lord et de leurs quatre enfants.
Née à Pampelune, dans le Pays basque espagnol, Ana-Maria a posé le pied en sol québécois à l’âge de trois ans. Elle s’est si bien intégrée qu’elle est aujourd’hui le pilier de la ferme familiale installée sur le rang Saint-Louis d’Henryville depuis quatre générations. En 2013, lorsqu’elle a repris l’exploitation de ses beaux-parents avec son mari, les 90 vaches que comptait le troupeau produisaient nettement moins de lait que les 67 bêtes de son cheptel actuel. Malgré 23 têtes de moins, leur quota est passé de 70 à 80 kg. Et la marge continue de monter. Pendant plusieurs mois, ils parviennent à atteindre 90 kg.
Sans même avoir lu Martine à la ferme (le nom de famille d’Ana-Maria se prononce Martine, en roulant le R), l’agricultrice a démontré savoir s’y prendre avec les animaux. L’histoire ne dit pas si elle s’est servie des compétences transversales de son DEC en Techniques d’éducation à l’enfance, mais de toute évidence, ses « filles » l’apprécient.
« On a travaillé la génétique, mais nos vaches n’arrivaient pas à l’exprimer. Elles n’étaient pas à leur aise dans l’étable. Elles manquaient de clarté, de confort et d’eau. En faisant l’agrandissement, ça a tout changé. Dans la section où elles dorment, nous avons installé un système d’éclairage automatique très apaisant. Là où elles mangent, elles ont droit à une lumière vive comme le soleil. On a aménagé des logettes creuses avec du sable, ce qui les garde plus au sec et diminue les infections. Ces simples changements ont fait qu’elles produisent plus de lait de façon naturelle. En plus, nous avons étudié les robots de traite pendant deux avant de nous procurer le meilleur. »
Pour Ana-Maria, non seulement la vitesse de traite est primordiale pour une bonne production, mais le robot permet de donner la quantité de minéraux spécifique à chacune des vaches selon ses besoins particuliers. Qu’elles soient en début ou en fin de lactation, tout est programmé. À chaque traite, l’éleveuse de 45 ans reçoit les données en temps réel. Elle peut savoir tout de suite si une de ses chéries fait de la fièvre ou si elle ne « file » pas. Grâce à ces données, les mesures sont prises avant que la maladie ne s’installe. « Ça nous a permis de diminuer de beaucoup les mammites. Quant aux déplacements de caillettes, si j’en ai une par année, c’est beau ! »
Pour pouvoir souffler un peu plus, Ana-Maria est très heureuse d’avoir un repousse-fourrage automatique programmé pour passer une fois par heure. Non seulement cela la dispense d’une corvée, mais ça incite ses bêtes à manger davantage. L’alimentation aussi est automatisée. Mesdames sont servies quatre fois par jour. Et 80 % de ce qu’elles ruminent provient de la centaine d’hectares que le couple cultive. Quant aux veaux, ils ne perdent rien au change. Laissés libres dans un parc, ils peuvent recevoir leur lait automatiquement. Et c’est bar ouvert ! Le petit robot qui leur est dédié reconnait quel glouton veut boire. « Je saurai combien il a bu et à quelle vitesse. Ça me donne des indices sur son état de santé. »
Parlant de jeunes assoiffés, Enzo et Miguel, deux de ses quatre garçons se préparent pour éventuellement prendre la relève. Au secondaire, Enzo fréquente l’école d’agriculture de Saint-Romain où il fait son professionnel laitier. Le plus vieux termine son DEP Agriculture. Ça, ça veut dire que papa et maman vont bientôt devoir agrandir la ferme. « On a l’intention d’augmenter notre quota à 120 kilos et acheter un deuxième robot. »
Pressés comme peuvent l’être les jeunes, ils ont déjà débarqué leur mère du tracteur. Qu’importe. Ça permet à Ana-Maria de minoucher encore plus ses animaux et de consacrer davantage de temps au sein du réseau d’aide psychosociale (ACFA) destiné aux familles agricoles du Québec. Pour « recrinquer » les troupes, on la verrait bien ressortir les castagnettes de sa petite enfance !