Le leadership incarné
Il y a 15 ans, les habitants des villes sont devenus plus nombreux que ceux des champs. Une première dans l’histoire de l’humanité. Faut-il alors s’étonner qu’au fil des dernières décennies la relève agricole ait diminué comme peau de chagrin ? Pour nombre de gens élevés sur le macadam, lait, carottes et céréales proviennent du… supermarché ! En 2013, Valérie Toupin-Dubé, une étudiante à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement du campus Macdonald a élaboré un projet inédit. Avec Mathieu Rouleau, son camarade de classe et la Dr. Caroline Begg, professeure à McGill, l’École-O-Champ voit le jour. Sa mission ? Développer des activités d’éducation agroenvironnementale pour les écoliers de 5 à 16 ans.
Quelques années plus tôt, Valérie avait fait un constat troublant. De retour d’un long séjour en Nouvelle-Zélande où elle a travaillé sur une ferme maraichère, elle avait capoté (c’est son expression) en réalisant que les écoles ne transmettaient absolument aucune connaissance en agriculture. C’est à ce moment que la graine a germé dans sa tête. « Il fallait que les jeunes comprennent de quoi ils se nourrissent et qu’ils découvrent le fonctionnement de l’environnement. Si l’école n’est pas un laboratoire expérimental dans ce domaine, comment faire prendre conscience à nos élèves qu’il y a un avenir possible dans la production agricole ? » La jeune femme originaire d’Oka s’est si bien convaincue elle-même qu’elle a alors entrepris un bac en agronomie.
De 2013 à 2015, au cours des deux premières années où Valérie et ses deux comparses planchent sur leur projet, pas moins 1000 enfants ont eu accès aux camps de jour offerts sur la ferme du Campus Macdonald. C’est sans compter les ateliers tenus dans des écoles primaires de la Montérégie et de Montréal et la participation à des foires estivales où sont données des animations spécialisées.
Permettre l’exploration des sciences agro-environnementales, favoriser la découverte, les manipulations et l’expérimentation dans les domaines de l’horticulture, de la production laitière et de la compréhension des sols, ça ne se fait pas d’un coup de baguette magique.
Pour que tout cela se réalise et qu’École-O-Champ devienne une organisation à but non lucratif (OBNL) en 2016, il lui aura fallu la volonté de développer son expertise et augmenter la portée de sa mission éducative. À titre de fondatrice et de directrice contenu et formations, Valérie Toupin-Dubé a mis l’épaule à la roue pour monter des programmes pour jeunes agriculteurs, tisser de nombreux liens avec des producteurs locaux, des spécialistes, des ministères, des universités et des enseignantes d’une école locale prêtes à faire des activités sur la production laitière, le maraichage et autres. Et ça marche ! En trois jours de foires, l’organisme peut toucher entre 1500 et 3000 personnes.
C’est bien la preuve que la femme de 34 ans était prédisposée au leadership. D’ailleurs, parmi les nombreux prix et reconnaissances qu’on lui a décernés durant ses études à McGill, mentionnons le Brown-Martlet Entrepreneurial Catalyst Award pour la meilleure recherche étudiante sur le développement durable (2014), le Gretta Chambers Student Leadership Award (2015), la Bourse Laure Waridel d’Équiterre (2015), le Prix du Canada pour le bénévolat — catégorie Leader Émergeant (2017).
Après le creux de la pandémie, la roue s’est remise à tourner à plein régime. Valérie raconte que les choses se sont même emballées. « Imaginez-vous que cet été, dans le cadre d’une journée de foire où on avait eu huit groupes de camps de jour, on a manqué de lait pour faire du beurre ! » Par les temps qui courent, avouez que c’est plutôt rare qu’une pénurie soit une bonne nouvelle. Mais qu’on se rassure. Dans le cadre de la série documentaire Chef Oli vire champêtre sur laquelle travaille Valérie et qui sera diffusée cet hiver sur les ondes de Télé-Québec, on ne manquera de rien.